Pianiste anglais né en 1981 à Oxford, Alexander Hawkins connaît un parcours ascensionnel. D’abord initié en parallèle à l’orgue dans ses jeunes années puis passé quasi exclusivement à la pratique du piano, il commence par l’apprentissage de la musique classique avant de se tourner vers le jazz. Se dégageant des conventions académiques, il se met tôt à la recherche d’un style propre en multipliant les collaborations.
Après avoir enregistré des disques en trio au format basse/batterie avec des partenaires anglais, il participe au Convergence Quartet dès 2007 au côté de Taylor Ho Bynum, Dominic Lash et Harris Eisenstadt. En 2012, son travail au côté du batteur sud-africain Louis Moholo-Moholo élargit plus encore son champ d’investigation et lui permet de développer un rapport fort au corps. Il joue aussi avec Mulatu Astatke.
Il s’intéresse autant au travail en configuration réduite qu’en formation plus étoffée : dès 2009, il dirige un ensemble et, en 2012, il est choisi par le London Symphony Orchestra pour participer à un programme destiné à l’émergence des jeunes compositeurs. Son duo avec Evan Parker publié chez Clean Feed est remarqué ici mais c’est son entrée dans le catalogue du label Intakt qui le fait passer dans une autre dimension. Que ce soit en quartet avec la vocaliste Elaine Mitchener ou pour deux duos qui marquent les esprits (avec Tomeka Reid et avec
Angelika Niescier
avec qui il entretient une relation étroite, ou encore avec Anthony Braxton pour une splendide relecture de standards. Creusant une pratique soliste qui n’en est vraisemblablement qu’à ses débuts, il continue les expérimentations en grand format dans une approche contemporaine.
Si Alexander Hawkins manifeste le souci d’une vision intellectuelle de la musique qui le conduit à échafauder des montages harmonico-rythmiques complexes, il est attentif toutefois à maintenir une dimension physique et spontanée à son jeu. “Body and Soul”, comme l’ont toujours fait les grands jazzmen dont il participe à renouveler l’histoire.
Avec toutes ces qualités, n’était-il pas indispensable de lui poser quelques questions ?
- Alexander, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je suis pianiste et compositeur et, très occasionnellement, je joue aussi de l’orgue. Je suis né dans un foyer mélomane à Oxford, au Royaume-Uni, et j’ai donc eu la chance de découvrir la musique dès mon plus jeune âge. Mon père est un grand fan d’Ellington et en fait, mon deuxième souvenir le plus ancien est d’avoir entendu la composition de Duke Ellington « Saturday Night Function » (mon tout premier souvenir est de m’être perdu dans un supermarché au Texas, où nous avons vécu pendant une très courte période, ce qui est évidemment une histoire beaucoup plus banale).
J’ai commencé à prendre des cours de piano à l’âge de 5 ou 6 ans et j’ai continué jusqu’à l’âge de 18 ans environ (une parenthèse : vers l’âge de 10 ans, j’ai également commencé à jouer de l’orgue, une expérience qui a développé mon amour de Bach et ma fascination pour la technique et la structure d’une part, et, via Messiaen, de nombreux modernistes du vingtième siècle d’autre part). À 18 ans, j’ai pris la décision quelque peu naïve de commencer à étudier par moi-même, et j’ai choisi de ne pas aller étudier la musique à l’université ou dans un conservatoire. Au lieu de cela, j’ai décidé qu’il était important de me dépasser sur le plan académique, et donc - même si je n’ai jamais voulu être autre chose que musicien, et que je n’ai jamais travaillé ailleurs que dans la musique - j’ai choisi d’étudier le droit (dont la sociologie était bien plus fascinante que la doctrine).
J’ai donc obtenu un diplôme de premier cycle en droit, puis un doctorat, avant de commencer à travailler à plein temps sur la musique. Peu de temps après avoir commencé à travailler comme pianiste, j’ai eu la chance de rencontrer des musiciens de la scène d’Oxford tels que Dominic Lash, Pat Thomas et Pete McPhail, qui m’ont aidé à me perfectionner.
Peu de temps après, j’ai eu la chance de me voir offrir des opportunités par des musiciens comme Evan Parker et Louis Moholo-Moholo. Jouer avec des musiciens comme ceux-là a évidemment été profondément formateur, mais aussi, en termes pratiques, m’a été extrêmement bénéfique en m’aidant à commencer à voyager pour jouer, et à faire des enregistrements - toutes ces étapes qui aident un jeune musicien à s’établir dans ce qui est, parfois, un écosystème précaire.
- Pourquoi avez-vous choisi de jouer du piano ?
Je me rends compte que la réponse traditionnelle à cette question, c’est quelque chose de l’ordre du romantisme : « Je n’ai pas choisi le piano, c’est le piano qui m’a choisi », mais je ne peux pas dire ça. Simplement, nous avions un vieux piano droit à la maison, et donc, comme j’aimais déjà la musique tout petit, c’était comme dans les livres policiers : j’avais l’occasion et le mobile.
- Vous avez étudié les grands pianistes (les pièces classiques de Bach ou Chopin, les grands ...